Rédactrice : Roser ARPON, Supply Optimum et chef de projet du Lab Agilité/Résilience FRANCE SUPPLY CHAIN
Deuxième journée du salon Supply Chain Event 2018, et un début de matinée très intéressant avec la conférence autour de la gestion des risques dans le domaine des matières premières animée par Jean-Philippe Guillaume, Supply Chain Magazine, et la participation d’intervenants issus du monde de la Supply Chain. Ils ont partagé avec nous leur expérience sur les différents risques exposant la chaine logistique et expliqué comment se préparer pour y faire face.
Intervenants :
- François Peignès, Directeur Supply Chain ORANO
- François-Régis Le Tourneau, L’OREAL
- Alain Vialix, NOKIA
- Isabelle Krieg, Gras Savoye
- Karine Samuel, AIRL
Dans une économie mondialisée, où la complexification de la chaîne logistique est présente, les entreprises doivent faire face à une multitude de risques qui peuvent nuire la production ou l’acheminement des marchandises vers sa destination finale. Il est indispensable de prévenir ces risques et de comprendre leur impact pour pouvoir les réduire et garantir la fiabilité de chaque maillon de la Supply Chain, non seulement au sein de l’entreprise mais aussi chez les fournisseurs.
Aujourd’hui, les risques auxquels les entreprises doivent faire face sont liés aux menaces géopolitiques qui vont s’imposer de forme imprévisible. Face à ce constat, les assureurs accompagnent dans la mise en place de solutions complètes et interviennent en amont de la Supply Chain pour apporter les solutions les mieux adaptées et palier ainsi à ces difficultés.
Il est donc essentiel de bien analyser les différentes opérations à réaliser, d’identifier les risques possibles (lois, décrets, guerres, embargos, violences qui endommagent l’usine, actes terroristes…) et de souscrire un contrat d’assurance standard auquel on intégrera des risques à la carte en fonction des opérations et de l’activité de l’entreprise. Beaucoup de paramètres qui vont modifier les conditions et termes du contrat d’assurance. L’indemnisation ne sera pas la même pour tous les cas.
Les risques évoluent, l’impact des risques évoluent également et des nouvelles solutions sont offertes en fonction du périmètre à couvrir. Globalement, tout peut s’assurer à un prix.
Dans le domaine des matières premières, les entreprises sont-elles bien armées pour prévoir l’imprévisible ?
En termes de prévision, les entreprises sont effectivement bien armées et utilisent depuis longtemps des outils type APS qui permettent d’intégrer les aléas et d’anticiper ce qui se passe en aval. En revanche, la prévision en amont a été un peu plus délaissée. Au cours des dernières années, nous observons des difficultés à visualiser la globalité des Supply Chain au-delà du 2ème et du 3ème fournisseur. On se retrouve face à des Supply Chain en cascade avec 5/6 rangs de fournisseurs pour remonter à la matière première ce qui est quasiment impossible à tracer.
Ainsi, il devient essentiel d’intégrer et être attentif aux risques matières qui commencent à apparaître pour pouvoir anticiper les menaces. Pour donner quelques exemples, nous pouvons citer les consommations brutales de certaines ressources minérales utilisées pour miniaturiser la connectique des objets connectés comme le Cobalt et le Lithium. L’augmentation d’extraction de Cobalt en République démocratique du Congo a été multipliée par 30 en 2 ans et la consommation de Lithium a subi une augmentation de 180 en l’espace de 5 ans.
Des pays producteurs de Lithium comme la Bolivie voient leurs ressources s’épuiser à très grand vitesse, certaines entreprises sont déjà en train de sécuriser leurs stocks pour pouvoir assurer la production des produits finis.
Face à cette situation, il est urgent pour l’entreprise d’aller chercher les signaux d’alerte pour anticiper un plan d’action et de repenser la chaine de valeurs en intégrant les chercheurs dans le but de remplacer ces matières par de nouveaux composants, d’avoir une pensé plus durable et de sécuriser la filière de recyclage. Une réelle transformation sur l’ensemble de la chaine de valeurs qui doit passer par tous.
Comment les entreprises peuvent répondre aux risques liés aux cyberattaques ?
Le nombre de cyberattaques est en augmentation constante ces dernières années. Une menace omniprésente qui oblige les entreprises à tout mettre en œuvre pour sécuriser leur réseau et les données sensibles. La Supply Chain est aujourd’hui, tout particulièrement en Europe, la cible des nombreuses cyberattaques pour dérober des secrets de fabrication, de la propriété intellectuelle et des données clients.
Nous avons tous entendu parler de la cyberattaque de Maersk qui a coûté à l’entreprise plus de $250M
Les risques financiers directs ou indirects encourus lors d’une cyberattaque peuvent être importants et leur impact (perte d’image de marque, pertes d’activité, perte de propriété confidentielle…) sur l’organisation méritent un intérêt tout particulier en termes de sécurisation du réseau informatique.
Cette sécurisation passe par le recrutement d’un expert en sécurité informatique possédant un très large panel de connaissances informatiques, faisant preuve d’une vision d’ensemble et extrêmement réactif.
Vulnérabilité de la Supply Chain dans les industries
En plus des risques de nature relativement imprévisibles, il y a aussi un certain nombre de risques de vulnérabilité dans la Supply Chain. Alors que nous étions habitués depuis 20/30 dernières années à planifier hors contrainte, on s’aperçoit, aujourd’hui, qu’un milliard d’humains de notre planète sont en train d’accéder à la grande consommation, en créant ainsi de tensions et de pénuries dans les grandes industries, inconnues jusqu’à là.
Structurellement volatile, les tendances du marché sont difficiles à anticiper et les variations des demandes nécessitent une réponse particulière.
L’utilisation de solutions comme le DDMRP peut être une réponse adaptée aux variations de la demande. Dans le cas de l’Oréal, un bilan positif qui se traduit par une vitesse de rotation et une vitesse d’adaptation au marché supérieure à la vitesse de renouvellement de stock des fournisseurs sur certaines industries.
Dans ce contexte, la maîtrise de la relation avec son fournisseur et les nouvelles méthodes de collaboration : échanger sur les prévisions, sur la planification, mais aussi sur les paramètres industriels dans la logique industrielle du fournisseur passant par la contractualisation sur du long terme et le dimensionnement de l’outil de production, deviennent essentielles dans la création d’une relation de partenariat.
Le risque des réseaux sociaux a également un impact direct sur les ventes en magasins, ceci exige une agilité de l’industrie pour faire face à cette demande et avoir la même exigence du fournisseur.
Comment ORANO maîtrise les approvisionnements dans le domaine du nucléaire ?
Les champs de vulnérabilité de l’approvisionnement de matières sensibles (Soufre, Fluorine, Nitrate…) sont différents. Les problématiques varient en fonction des matières et peuvent être liées à une variation importante du cours du marché. En conséquence, lorsque l’extraction de ces matériaux est ralentie, l’impact est important. Alors, il est fondamental de sécuriser les approvisionnements par des contrats.
Pour modérer ces risques, il faut bien maîtriser le marché, pouvoir anticiper le cours du marché, travailler sur des modèles prédictifs et mesurables, acheter des études de marché afin de pouvoir anticiper les besoins, voire même, d’acheter des volumes et créer du stock lorsque le marché est au plus bas pour être plus attractif et pouvoir faire face à des concurrents qui achètent des volumes plus importants.
Au travers des différents témoignages, nous avons pu constater l’importance de sécuriser nos Supply Chain face à la vulnérabilité de l’approvisionnement de certaines matières. Déterminer le besoin des matières premières nécessaires à la continuité de nos activités économiques, et prendre les dispositions pour prévenir les éventuelles ruptures d’approvisionnement est capital.
Aujourd’hui, ce n’est pas juste un sujet traité par les experts en Supply Chain. L’intérêt que le gouvernement français porte sur ce sujet montre bien l’importance de sécuriser la vulnérabilité de celles-ci. En effet, le Ministère de l’Économie et des Finances a lancé une mission d’évaluation des chaines d’approvisionnements françaises avec deux objectifs : mieux cerner la vulnérabilité des chaines d’approvisionnement des matières premières et proposer des mesures pour réduire l’exposition des entreprises.
Comment réduire les risques et la vulnérabilité de la Supply Chain ?
Les entreprises doivent identifier l’ensemble des risques géopolitiques, technologiques, contractuels, financiers, aléatoires…auxquels elles sont exposées. Aussi, elles doivent être conscientes de l’impact que ces menaces peuvent avoir sur l’image de marque.
Cartographier les risques constitue une première étape dans la mise en place d’une stratégie de gestion des risques. Ceux-ci doivent être hiérarchisés en fonction des priorités de l’entreprise et être classés en fonction de leur criticité.
La mise en place d’un plan d’action adapté à chaque type de risque permettra à l’entreprise de les anticiper et d’allier performance et sécurité́.
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